Noémie Cédille - Instants botaniques

Bridget Jones en tenue de combat

Bridget Jones en tenue de combat

Mais où sont les larmes ? Les cris, les lamentations, les soirées solitaires à pleurer sur le canapé ? Toutes les idées reçues que j’ai accumulé sur les ruptures amoureuses me laissent dans l’attente d’une “vraie” réaction. Celle que l’on attend de moi probablement mais aussi celle que j’étais persuadée d’obtenir si un jour cela venait à arriver. Combien de fois m’étais-je imaginé ne plus sortir de ma chambre et ne parler à personne pendant au moins une semaine avant d’envisager d’affronter la réalité ? … Et pourtant, j’étais tellement loin du compte. Ce que je n’avais jamais prévu au programme c’était la colère et la frustration. C’est cela qu’il faudrait nous montrer de temps en temps dans les films. Qu’à ce moment précis de ma vie, j’avais tout autant envie de passer mon poing à travers un mur que n’importe quel mec. Mais je suis une femme, et j’ai été éduquée dans un monde où les jouets, le comportement des adultes, l’éducation nationale… m’ont convaincu de donner priorité à l’affect. C’est donc ce que la jeune fille que j’étais a développé en premier. Et malgré toute la tristesse derrière cette réalité, mon entourage aurait moins compris l’expression de ma haine que celle de mes larmes. Incapable de me retrouver entre ce que je ressentais réellement, ce à quoi on s’attendait que je ressente et ce que j’ai réellement pu accepter d’exprimer, j’ai finalement obtenu un résultat plutôt basique : rien.

Le néant affectif. Assise dans un avion direction les Etats-Unis je médite une énième fois sur le gouffre sentimental enfermé à l’intérieur de ce corps frêle. Les derniers mois ont été les plus difficiles qu’il m’est été donné de vivre, ne vous méprenez pas. La logistique derrière une rupture est affreuse et ce qui n’est censé n’être que du “matériel” devient aisément un sujet de discorde ou le symbole douloureux des années passées. Si vous avez comme moi une tendance à vous accrocher facilement aux objets (indice : vous avez une boite à souvenir et êtes capable de conserver le premier jouet déchiqueté de votre chien en mémoire du bon vieux temps) bon courage en cas de rupture. Les première semaines seront probablement pour vous les plus difficiles, en tous cas ce fut le cas pour moi. La représentation physique d’un couple, aussi glamour que cela puisse paraitre, c’est ce qu’il existe de concret, de visible entre vous au-delà des sentiments. Un appartement, un chien, un compte joint, un numéro de fixe… mais surtout : toutes les centaine de souvenirs que ceux ci véhiculent. C’est probablement la raison pour laquelle le déménagement a été si compliqué pour moi. Pour lui, un canapé est un canapé. Pour moi, c’était notre canapé, celui que l’on a choisi ensemble lors d’une virée improvisée chez Ikea. Le premier meuble qu’on a acheté à deux. L’endroit où on se retrouvait pour dîner. La représentation physique de ce que c’était d’être bien chez soi après une journée de travail, la tête posée sur une épaule rassurante. Alors oui, étonnamment, le plus dur n’est jamais de mettre fin à l’histoire, même si c’est un épisode atroce. Le plus dur c’est d’avancer, de faire une croix sur les projets communs, de faire une croix sur 6 années de sa vie.

Image credits © : Noémie Cédille – Instants Botaniques – https://www.behance.net/cedille

Création de Noémie Cédille

Six ans et cinq mois

La seule chose qui inspire davantage les artistes que les histoires d’amour ce sont les ruptures amoureuses. Voilà au moins une augure positive pour ce phénomène dont on se passerait bien : il a le mérite d’être à l’origine de quelques une des plus belles chansons qui furent jamais écrites. Trêve de plaisanterie, une rupture est aussi une sorte d’épisode durant lequel vous aurez la joie et le bonheur d’effectuer toutes sortes de tests. En apprendre beaucoup plus sur votre patience, vos nerfs, votre niveau de résistance au changement et votre quotient émotionnel. Une chose est certaine, si vous pensez en apprendre beaucoup sur vous, vous avez raison.

6 ans et 5 mois. C’est le temps qu’il aura fallu pour venir à bout de ma première et unique relation amoureuse. Loin de moi l’idée de vous compter toute l’histoire qui précède notre rupture, il s’agit plutôt de vous parler des temps qui ont suivi cette séparation. Si cela me parait important, c’est parce qu’il y a énormément de choses qu’on ne vous dit pas sur la rupture amoureuse. A multiplier les soirées passées devant des films à l’eau de rose on en viendrait presque à croire qu’on a une idée relativement précise de ce qu’entraîne une peine de coeur. Une bonne boîte de mouchoirs, beaucoup de glace, un canapé, des copines-super-héro et un coup d’un soir pour oublier ? Si seulement c’était si simple. Alors oui, pour certaines ça commence peut-être par là mais je vous garantie que je ne me suis absolument pas reconnue dans tous ces clichés. De la même manière, j’ai le sentiment qu’il est probable que nous soyons plusieurs dans mon cas.

Les 5 étapes du deuil : où comment vous donner l’impression que vous n’êtes pas normale ?

Vous avez probablement déjà entendu parler des fameuses “étapes du deuil” composées du choc / de la tristesse / de la colère /de la négociation /de l’acceptation. Personnellement, je n’avais aucune connaissance de son existence en amont de ma séparation. C’est un outil probablement très bien étudié, basé sur des statistiques avérées. Chacune de ses catégories trouvent leurs interprétations bien personnelles et spécifiques, avec une terminologie suffisamment vaste pour que chacun puisse s’identifier. La plupart du temps, ce n’est pas vous qui trouverez cette information mais plutôt vos proches qui, comme tout ce qu’ils font pour vous aider, partiront avec la meilleure intention qui soit. Seulement voilà, c’est aussi une façon pour eux de maintenir une certaine structure, une sorte de timeline définie leur permettant d’anticiper vos réactions. Au final, tentant de vous montrer le chemin vers la guérison, ils se rassurent eux-même. Mais pourquoi ont-ils besoin d’être rassurés au juste ? Et bien, parce qu’ils vous aiment. Certaine personnes ne peuvent que difficilement encaisser l’idées que quelqu’un qui leur est proche souffre. Ils sont là, impuissants face à une situation dont ils ne maîtrisent ni les tenants ni les aboutissants, sans pour autant la vivre directement. La seule solution pour eux est alors de se projeter et, tentant de faire cela, les plus pragmatiques d’entre eux s’en remettent à des théories semblant avérées. La notion de timeline est importante lorsqu’on se réfère aux étapes du deuil car elle permet également à la personne qui vous l’évoque de jauger de votre progressions. Cela peut être positif mais peut également être le signe que la patience de votre interlocuteur a des limites et qu’il a besoin de se raccrocher à l’étape suivante pour se convaincre que les choses avancent dans la bonne direction. Ces étapes ont donc rapidement tendance à passer du statut de palier à celui d’objectif, ce qui n’est autre qu’une pression supplémentaire. Le plus difficile dans mon cas, c’est que contrairement à mon ex, je ne me trouvais absolument pas en phase avec ces grandes étapes. C’était d’autant plus rageant qu’en plus de contribuer à me faire croire que j’étais une fois de plus un spécimen non identifié, j’avais l’impression que lui avançait indéniablement plus vite que moi. Il ne le savait pas encore car il traversait les phases les plus difficiles, mais au moins il avançait. Pour ma part, j’étais encore bien trop occupée à attendre que l’étape une me frappe en plein visage.

Image credits © : Noémie Cédille – http://noemiecedille.fr

MyTerrazza Wallpaper ENOstudio

Partie 10 – Finale : Quand l’amour fait mal

Voilà un presque un an que j’ai commencé à écrire.
Je dois l’avouer, j’avais bon espoir qu’arrivée à cette « Partie 10 », j’aurais quelque chose de plus positif à partager avec vous que ce avec quoi j’ai commencé. Mais je ne veux pas mentir à celles d’entre vous qui vivent avec la même pathologie que moi. Rien n’est aussi simple. Faire l’état des lieux de mon parcours m’a tout de même apporté quelque chose d’essentiel : une impulsion. Une impulsion vers une réflexion et une autre façon de voir les choses. J’ai soulevé une problématique importante : est-ce qu’on peut être heureux en couple en vivant la sexualité autrement ?

J’ai réalisé à plusieurs reprises, généralement quand je me suis retrouvée seule face à moi-même, qu’il existait une possibilité que je vive avec ce vaginisme toute ma vie. Cela implique plusieurs choses :

La première, c’est que j’impose à l’homme qui partage ma vie de vivre une sexualité autre. Pas à l’image de la sexualité comme l’imaginent les adolescents ou comme la raconte les potes, pas celle des films non plus, encore moins celle des pornos. Une sexualité « sur-mesure », où chacun y trouve son compte et où on accepte d’être différents de ceux qui nous entourent. C’est une situation complexe qui au premier abord ne parait pas insurmontable pour nous qui vivons comme cela depuis des années. Mais pour Alex, patienter en attendant que ça aille mieux et accepter de façon définitive la situation sont deux choses totalement différentes, ce que j’entends.

La seconde possibilité, c’est celle d’être seule, par choix. Je suis souvent étonnée par la réactions de mes proches lorsque j’évoque cela. Probablement parce que le terme « solitude » n’est pas le bon. Je parle plutôt d’une indépendance totale et non-temporaire. Un choix de ne plus avoir à baser mes projets selon la possibilité d’avoir ou non une sexualité normale. Je ne comprends pas à quel moment c’est devenu un tel critère de choix dans ma vie. Tant que je n’ai pas réglé ce « problème », je refuse de me projeter dans un achat, dans un mariage ou dans des projets familiaux. Car c’est pour moi injuste d’imposer cette vie à celui que j’aime. Je doute de sa capacité à prendre du recul dès aujourd’hui, et à admettre qu’il ne pourra pas vivre comme ça pour toujours. Et donc, j’attends. J’attends de changer et lorsque cela ne change pas, j’ai peur. Mais je ne veux plus avoir peur et si un jour je suis amenée à être à nouveau seule, je pense le rester. Je veux savoir ce que ça fait de me lever le matin et de ne pas m’en vouloir. Je voudrais croire qu’avoir une vie sexuelle « comme tout le monde » n’est pas aussi essentielle que l’acte de respirer, de manger, de boire. Que je devrais être capable de trouver du bonheur ailleurs, sans culpabiliser constamment de ce que je fais endurer à mon couple. Les nombreuses discussions passées tendent à prouver qu’autour de moi, aucun homme ne conçoit vivre comme Alex le fait actuellement. Cela n’empêche pas mon entourage de penser que, si un jour j’étais seule, je retrouverais quelqu’un qui accepte cette situation. C’est paradoxal mais l’espoir fait vivre comme on dit et je ne veux pas me battre avec eux à ce propos. Je ne sais pas comment leur dire que le plus important dans ma vie ce n’est pas de trouver quelqu’un avec qui la partager tous les jours mais de faire des choses qui me donnent envie de les partager avec d’autres. Je veux être heureuse, voilà ce dont je suis sûre. Je veux voyager, je veux trouver ma voie, je veux des enfants. Mais je ne veux pas vivre aux dépends de ma sexualité. Je suis née comme ça et un jour, tout cela va peut-être changer et je redécouvrirai le plaisir à un âge où il n’aura plus de surprises pour personne. Peut-être aussi que je vais vivre comme ça et dans ce cas, je souhaite que mon énergie aille vers la quête du bonheur, pas dans la quête d’une solution dont je ne suis pas certaine d’avoir envie.

Image Credits © : MyTerrazza Wallpaper ENOstudio http://www.enostudio.fr/

Papier peint Granit par Papermint

Partie 9 : Quand l’amour fait mal

Alex,

La vérité c’est qu’il y a quelques mois, quelque chose s’est brisé en moi. Quelque chose qui fait que malgré tous les efforts et la volonté que tu pourras mettre à essayer d’arranger les choses, je ne suis plus réceptive. Ça m’a pris du temps pour réaliser que le but n’était plus de mettre en place un plan d’action, ou de trouver des solutions. La vraie question était de savoir si j’avais encore le courage et l’envie d’essayer, de me battre encore. J’ai l’envie mais je n’ai plus le courage. Mon épuisement est mental, sentimental … il me fait me sentir vide, il me donne mal au ventre. Je rêve secrètement des premiers jours passés avec toi, au début de notre histoire. Où la seule et unique chose qui me rendait véritablement heureuse sur cette terre c’était d’être dans tes bras.

J’aurais voulu que tout ça soit simple, comme ça a l’air de l’être pour tellement de personnes autour de nous. J’aurais voulu avoir la force de me battre encore un peu, pour être sûre de ne jamais regretter mes choix mais je me rend bien compte que parfois ce qu’il faut ce n’est plus du temps mais des décisions. Je ne veux pas vivre ça, je ne veux pas d’un compte à rebours qui s’écoule en attendant de savoir si cette relation tiendra ou non.

On a passé presque 6 années de nos vies à grandir et se construire ensemble. C’était les meilleures années de ma vie, je n’ai rien connu d’autre que cette amour avec toi et j’en suis fière. Je suis fière de tout ce qu’on a bâti ensemble, je ne regrette absolument rien et si c’était à refaire je le referais 10 fois. Le problème lorsqu’on a grandit avec la personne qu’on aime, c’est qu’on se construit en tant que couple avant de se construire soi-même. Pour certain je suppose que ça marche mais parfois on se perd en route. C’est ce qu’il m’arrive. Je me suis perdue quelque part en chemin, j’ai oublié quelle personne j’étais car la seule chose qui m’importe c’est ce que nous sommes en tant que couple. J’ai besoin de prendre le temps de me poser et de faire le point sur ce dont j’ai besoin aujourd’hui. J’ai besoin d’évoluer en tant que personne avant de pouvoir entamer le reste de ma vie. Je ne peux pas me guérir, moi et tous les maux qui me hantent, si je ne me donne pas la chance de me retrouver seule face à moi même.

Moi-même je n’y crois pas tandis que je relis ces mots pour la vingtième fois. Mais j’espère que tu l’entends car lutter à contre-courant n’amènera que plus de peine et je pense que toi comme moi, on a mérité une certaine forme de repos. Prends le temps de t’occuper de toi, va au bout de tes rêves, choisi tes batailles, chéri ta famille, prend une grande inspiration puis… fonce droit devant.
Je t’aime.

Olivia

Image credits © : Papier peint Granit par Papermint – https://www.paper-mint.fr

Papier peint Eno Studio

Partie 8 : Quand l’amour fait mal

5 mois ce sont écoulés depuis la dernière fois que j’ai écris.
Le temps de remettre ma vie sur pieds, le temps de retrouver qui je suis.
Je ne suis pas guérie mais j’ai trouvé quelques clés je crois.

Alex et moi n’avons pas réussi à se tenir loin l’un de l’autre. Je n’ai pas réussi à le tenir loin de moi. Peut-être parce que quelques semaines seulement ont suffit pour me faire comprendre qu’il y avait probablement très peu de personnes qui méritait plus que lui que je ne batte pour une relation. Alors au nom de ces 5 années d’épreuves, j’ai entamé avec lui la 6ème, non sans mal mais sans regrets.

Voilà 4 mois que j’ai entamé une thérapie par hypnose autrement appelée thérapie EMDR. Je vous en parlais dans la partie 3, l’EMDR est une bonne alternative à l’approche psychologique car elle n’oblige pas le patient à parler ou rentrer dans les moindres détails de sa vie. Concrètement, l’EMDR permet de décortiquer les émotions ressenties, par le passé ou dans le présent et de de les revivre sous tous les angles possibles. A terme, ces émotions qui nous faisaient peur deviennent de plus en plus « banales ». On les acceptes car on les connait. Ces souvenirs émotionnels passent de la partie inconsciente à la partie consciente du cerveau. Au fil des séances, les épreuves vécues dans le passé sont de plus en plus faciles à raconter. Je ne ressens presque plus rien, je n’ai plus peur. Je me sens bientôt prête à réessayer. A réessayer d’arranger les choses avec Alex, à appréhender à nouveau ma sexualité, oubliée depuis si longtemps…

Je suis confiante, ça va marcher cette fois-ci. J’y crois et j’ai envie que les choses s’arrangent pour nous. Même si ce n’est pas pour toujours, je veux qu’on puisse être à heureux à 100% au moins une fois encore… Sauf que rien n’a changé.
Je suis toujours bloquée, je suis toujours le plus gros obstacle à ma propre relation. La seule différence est que je n’ai plus peur mais à quoi bon si ça n’arrange rien sur le plan physiologique …? J’essaye de ne pas baisser les bras, j’essaye vraiment.
Je suis lassée de cet éternel recommencement. Voilà qu’Alex sombre à nouveau dans ses habitudes néfastes pour ne plus penser à ce qui ne change pas. Voilà que je m’enfonce à nouveau dans le silence en espérant que tout cela disparaisse au réveil le lendemain.

Image credits © : Papier peint Eno Studio – http://www.enostudio.fr/

Partie 7 : Quand l’amour fait mal

Une année et quelques mois se sont écoulés depuis notre emménagement. Je sombre dans la quasi-totale ignorance de mes troubles sexuels. Je suis en plein déni, je refuse d’y penser. J’essaye d’avancer les yeux fermés, au grand damne d’Alex qui s’enfonce bientôt lui aussi dans une routine pesante. Je peine tellement désormais à regarder mes problèmes en face que je ne vois plus que les siens, qui s’amplifient tandis que je fais le constat amer d’une relation en plein déclin.

Moins je vois d’efforts de son côté, moins j’ai à cœur d’en faire moi même. Un cercle vicieux néfaste et dangereux, qui a finit par tuer notre relation à petit feu.
5 ans et 8 mois : c’est le temps qu’il a fallu à nos problème pour venir à bout de notre couple. Je n’arrive plus à respirer. Cette fois j’ai tout perdu je crois. Je dois réapprendre à vivre mais je ne sais pas par où commencer. J’aimerais que la douleur cesse, j’aimerais pouvoir avancer mais j’ai oublié qui j’étais en cours de route. Je n’étais que la moitié d’un tout, j’ai cessé de me construire en tant qu’individu à l’âge de 17 ans. Je réalise à présent comme je suis seule face à moi-même.
J’ai une infinité de questions, une infinité de possibilités et pourtant, je ne sais par où commencer. Je réalise pour la première fois peut-être que tout ce que j’avais fait pour venir à bout de mes problèmes jusqu’à présent, je ne l’avais pas fait pour moi. J’avais fait ces choses pour nous, pour lui. C’est probablement la raison pour laquelle ça ne marchait pas. Une question terrifiante me venait alors : Veux-tu guérir de ces « problèmes » ?

Bespoke Terrazzo by Diespecker

Partie 6 : Quand l’amour fait mal

Voilà qu’un été entier s’est passé. Des vacances inoubliables sur une île paradisiaque, entourée d’Alex ainsi que de toute ma famille. Entre temps, nous avons emménagé ensemble, un petit appartement cosy en bordure de centre-ville, entièrement à notre image.

Mais la rentrée a fait son effet et, arrivée en décembre, je suis mentalement à bout. Le revers de la médaille de commencer un nouveau job et une nouvelle formation la même année je suppose. J’ai l’impression que des choses simples comme prendre une douche ou manger me font perdre un temps fou. Je ne trouve pas le temps de me recentrer sur moi-même et tout ça se fait sentir dans ma progression ou plutôt, dans ma non-progression… A présent je régresse, à vrai dire, je ne trouve plus la force d’essayer.

Les mois passent et voilà que les vieux démons d’Alex ressortent eux-aussi. On a tous des défauts, des choses qu’on aimerait enfouir. La réalité veut que lorsque ce qui est normalement stable dans nos vie est remis en cause, on peine à se contrôler. Une année s’écoule, marquée par la facilité avec laquelle Alex et moi vivons notre quotidien mais apeurés par la redondance de nos disputes lorsque vient le weekend, lorsque vient le temps de se détendre. Lui et moi n’en avons plus la même définition. Je crois d’ailleurs l’avoir oubliée cette définition.

Je me réveille chaque jour et me couche chaque soir en pensant que la personne allongée à côté de moi est celle que j’aime. Mais je répète ces deux mêmes actions en me disant qu’il n’est pas heureux et que c’est de ma faute. Chaque jour j’espère me réveiller pour que quelqu’un me dise : « c’était une blague, en fait tu es normale, tout le monde est comme toi ». Plus simplement, certaines idées commencent à me hanter. Je rêve qu’on me laisse tranquille, qu’on ne m’en parle plus. Que je puisse vivre comme ça, sans devoir tous les jours y penser et me répéter. Je ne sais plus si je me bats pour nous ou pour moi. Je pense que c’est pour lui et lui seul que je le faisais.

Image credits © : Bespoke Terrazzo by Diespecker – http://www.diespecker.co.uk

Papier à motifs de chez Papier Tigre

Partie 5 : Quand l’amour fait mal

Presque 5 mois de rendez-vous récurrents avec une sexologue m’avaient permis de remonter à l’origine de mon « blocage ». Et pourtant, je ne voulais pas croire que c’était la raison de tous mes maux. Je faisais des progrès, notre couple allait mieux, la simple idée que j’y mettais de l’effort avait remonté le moral d’Alex.
Il restait néanmoins une piste à écarter : celle du problème physiologique. Nelly voulait s’assurer avant de poursuivre le travail que mon problème n’était pas lié directement à mes organes reproducteurs. J’ai été orienté vers une de ses collègues, en qui elle a entière confiance (ce qui m’en a donné aussi).

L’examen gynécologique, de manière générale je le crois, n’est jamais une partie de plaisir. Dans mon cas, je qualifie ça d’épreuve. Malgré cela, tout s’est bien passé. Et justement, il est bien là le problème! Alors que la gynécologue m’annonce un bilan impeccable, je me décompose petit à petit. Elle ne comprend pas ma réaction et tente de me rassurer. Une grosse part de moi voulait qu’elle découvre un problème physique, quelque chose de concret, quelque chose d’opérable. Bien sur, je ne minimise en rien la gravité de telles interventions. Mais la vérité me frappait encore une fois en plein visage : la solution était dans ma tête, et ma tête est très dure.

La lassitude reprend petit à petit le dessus. Alors que mon année scolaire se termine et que les grandes vacances approchent, mon esprit semble vouloir se reposer. Je ne veux plus penser à rien, je ne veux plus penser à ça.

Image Credits © : Papier à motifs de chez Papier Tigre – https://www.papiertigre.fr

Terrazzo Pattern by youanigraphics

Partie 4 : Quand l’amour fait mal

Un traumatisme. C’était donc ça l’origine de tous mes maux ?

J’avais 6 ans lorsque j’ai été hospitalisée la première fois. C’était pour une infection urinaire qui s’était aggravée. Après un séjour d’une semaine à l’hôpital, j’étais enfin rentrée à la maison. Mais j’ai dû y retourner pour passer une série d’examens. Ma mère m’a accompagné jusque dans une salle où m’attendaient un médecin et au moins deux infirmières. Ils m’ont demandé de me déshabiller. Jusque là, ni plus ni moins qu’une visite médicale. Je commence à m’inquiéter lorsque on me répète de « tout » enlever. J’étais alors complètement nue, debout sur un carrelage froid, au milieu d’une pièce presque vide. On me fait grimper sur une table puis, m’allonger. Au-dessus de moi, une lumière vive et les visages du corps médical. On m’explique sans trop tarder qu’on va me passer une sonde par le canal urinaire (prolongement du clitoris) afin de remplir ma vessie d’eau et la vider à nouveau. Un lavement donc. Je n’ai pas vraiment le temps de comprendre ce qui se passe où de demander si ça va faire mal. Je sens la main de ma maman dans la mienne mais ne croise pas son regard.

Première tentative : je hurle. Ma mère le sais, je ne suis pas une enfant expressive, je ne cris pas pour rien. Je veux qu’on arrête, je gigote tant bien que mal. Le médecin m’explique qu’il ne peut rien faire si je bouge, ma mère essaye de me calmer je crois.
Une seconde tentative, idem. J’essaye de ne regarder que la lumière au-dessus de moi, j’essaye de ne pas bouger pour que tout se finisse vite.
Troisième tentative. Le médecin perd patience : « je n’ai même pas encore essayé ! ». Il vérifie que rien ne puisse refléter la scène autour de la lampe, il ne comprend pas comment je peux deviner qu’il approche la sonde. Aujourd’hui je lui expliquerai que c’est l’une des zones les plus sensibles chez la femme. Je ne pense pas que ça étonne beaucoup de lectrices que j’ai pu sentir s’approcher un objet avant qu’il ne me touche réellement.
Quatrième essai : J’ai les yeux rempli de larmes, je prie pour que ce soit la dernière fois. Je cris encore mais l’on maintient mon bassin contre la table cette fois. La sonde est enfin entrée. Ma vessie gonfle à vue d’œil, ils l’a remplissent d’eau. Peu m’importe, le plus dur est passé. Ils me demandent d’uriner lorsque je n’en peux plus, là, allongée sur la table. Je n’ai que 6 ans mais j’ai honte, je ne comprends pas ce qu’on me demande. Je m’exécute tandis qu’ils recueillent le liquide dans des biberons. Immonde.

Après ça, je n’ai plus souvenir de rien. Rien si ce n’est d’avoir fait promettre à ma mère que je n’y retournerai pas. Je crois savoir aujourd’hui que si je n’ai pas croisé le regard de ma maman, c’est parce qu’elle avait tenté de me cacher ses larmes. Ce que j’ai aussi appris entre temps c’est que cet examen ne peut pas être pratiqué sur un jeune garçon, seulement sur les filles. Je cite « L’anesthésie locale est inutile car chez la femme l’urètre est plus court ». Et donc ? Je suppose que tout cela n’a rien de traumatisant ?

Image Credits © : Terrazzo Patterns by Youanigraphics https://www.youandigraphics.com/

Terrazzo Wrapping Paper Pattern Design - Jenny Lien

Partie 3 : Quand l’amour fait mal

Alex et moi avons entamé notre 4e année en tant que couple des projets plein la tête. Nous étions bien déterminés à résoudre nos problèmes, quels qu’ils soient. Un seul et même objectif en bout de ligne : emménager ensemble avant la rentrée suivante.

Cette année là, nous avons consulté une sexologue du nom de Nelly. Une étape importante dans le processus de guérison de notre couple, qui avait souffert l’année précédente. Nelly était rassurante et directe. Elle n’a pas pris de détour pour mettre officiellement un nom sur ce dont je souffrais : le vaginisme. Le fruit de mes recherches était donc exact. Une part de moi espérait se tromper.
Mais Nelly m’a aussi dit que je n’étais ni la première, ni la dernière qu’elle aidait. Si je suivais ses conseils, bientôt je pourrai vivre une vie « normale ». Mais les séances ont passé et bientôt, le désespoir se faisait ressentir. La sexologue tentait de nous aider mais la vérité était trop encombrante à accepter : la seule personne qui pouvait m’aider, c’était moi. La guérison demande du travail. Elle prend la forme d’exercices divers et variés. Je découvre horrifiée que mon problème dépasse largement la simple contraction des muscles lors des rapports. C’est toute ma vision de la sexualité, de l’autre et de moi-même qui sont atteints. Je suis incapable de le toucher, de me toucher. J’ai peur, je ne suis pas la femme forte dont j’ai donné l’image, je ne suis même pas femme du tout. J’ai perdu toute ma féminité, toute mon attractivité. Les scènes de violence sexuelles dans les films me terrifient au point de vomir, le sujet même du viol m’est insoutenable. Je deviens sensible voir agressive lorsque Alex remet en doute ma motivation. Bref, quelque chose ne va pas.

Également hypnothérapeute, Nelly m’a proposé une séance après quelques entrevues. L’hypnose n’a rien à voir avec ce que vous voyez à la télé. La forme sous laquelle je l’ai le plus souvent rencontré est l’EMDR (Eye-Movement Desensitization and Reprocessing). Je parlerai plus en détail de cette technique dans un prochain article, en attendant pour plus d’info c’est par iciSi je reviens sur cette séance particulière c’est parce qu’elle a fait remonter en moi un souvenir lointain, un traumatisme d’enfance que j’avais tenté d’oublier et probablement le point de commencement de mes troubles sexuels.

Image Credits © : Terrazzo Wrapping Paper Pattern Design – Jenny Lien – Graphic designer and Visual artist https://www.jennylien.com/